Projet (2003)
Conception : Xavier Le Roy
Chorégraphie : Susanne Berggren, Raido Mägi, Mart Kangro, Amaia Urra, Raquel Ponce, Juan Domínguez, Tino Sehgal, Paul Gazzola, Frédéric Seguette, Mårten Spångberg, Alice Chauchat, Carlos Pez Gonzalez, Pirkko Husemann, Ion Munduate, Nadia Cusimano, Geoffrey Garrison, Kobe Matthys, Christine De Smedt, Anna Koch
Direction technique : Bruno Pocheron
Musique : Léonard de Léonard
Production : in situ productions (D) et Le Kwatt (F)
Coproduction : Berliner Festwochen Berlin, Gulbenkian Foundation — CAPITALS Lisbonne, Théâtre de la Ville Paris, Centre de Développement Chorégraphique Toulouse/Midi-Pyrénées, Kaaitheater Bruxelles, Ballett Francfort & TAT et Centre Chorégraphique National de Montpellier Languedoc-Rousillon.
Avec le soutien de : Hauptstadtkulturfonds Berlin, Podewil et TanzWerkstatt Berlin
Remerciements : Pierre Le Roy (Le Kwatt administration), Jocelyne Le Roy (confection des jupes), Stefan Pente, Mugatxoan-Arteleku, Spring Dance Festival 2001, "I will never let you go" (Panacea Stockholm 2001).
Projet est une chorégraphie qui montre qu’une chorégraphie est plus qu’une simple chorégraphie. Initiée par Xavier Le Roy en 1999, ce travail a commencé comme une investigation sur les relations entre les productions, les processus et les produits dans le champ de la danse et du théâtre. De quelle façon les conditions de production déterminent-elles ce que nous produisons ? Peut-on séparer la représentation du corps de la façon dont celle-ci rend possible sa manifestation? Quel impact ont nos structures de travail - sociales, politiques et économiques - sur notre compréhension du corps ? De quelle façon forment-elles, limitent-elles, et conditionnent-elles le contenu de notre travail ? De nouveaux modes de production peuvent-ils mener à différents types de mouvements et de représentations du corps ?
Entre 1999 et 2002, E.X.T.E.N.S.I.O.N.S. était une expérimentation collective sur le processus du processus. Ces explorations se déroulaient sous forme de stages, de sessions de travail ou d’événements dans des lieux différents avec des gens différents. E.X.T.E.N.S.I.O.N.S. proposait et produisait des situations de travail qui, en interrogeant, en remodelant et en renversant, tous les paramètres qui déterminent la production, ont transformé tout le processus de travail en son propre produit : faire et réfléchir, essayer et présenter ; il n’y avait plus de séparation entre l’objet et son contexte, entre l’action, la recherche, la répétition, entre la production et la présentation publique - l’ambition était de travailler sur tous ces paramètres en même temps.
Pendant ces recherches, les notions de jeux sont devenues des outils, des motifs et des méthodes au coeur de ce travail. En tant que pratiques sociales les jeux offrent de nouvelles perspectives aussi bien sur des pratiques théâtrales que sociales. Avec leur capacité de nous affecter comme aucun autre domaine social, ils sont des constructions fictives qui en même temps, produisent une réalité culturelle et sociale. Ces constructions au sein de constructions sont devenues à la fois cadre, outil de travail et principe chorégraphique, en d’autres termes: des jeux organisent des mouvements selon des règles. Les règles peuvent être utilisées comme moyen de communication, elles désorganisent et réorganisent la constellation de personnes dans une situation qui n’est ni déterminée à l’avance, ni fixée (par le chorégraphe), ou qui n’est pas une scène improvisée comprise comme une somme de décisions individuelles. La chorégraphie se déploie comme une situation‚ dont la composition dépend aussi bien des règles que de leur utilisation, et des différentes tactiques et stratégies individuelles. Par conséquent, elle dépend des choix et des décisions prises par les joueurs individuels. Donc même composée, elle reste toujours ouverte et flexible. Là où le jeu devient chorégraphie et la chorégraphie se change en jeux, d’autres dé- et reterritorialisations émergent : les performers sont simultanément acteurs, joueurs, interprètes ; la chorégraphie devient un mode de faire, de voir et de comprendre; et entre ces espaces, quelque chose comme de la subjectivité peut éventuellement se mettre en place.
De E.X.T.E.N.S.I.O.N.S. à Projet la scène fait de nouveau son entrée.
Projet ramène la performance au dispositif du théâtre, à l’univers du spectacle là où tout a commencé sous la forme d’interrogations des notions telles que production et produit. Maintenant la délocalisation intervient sur un autre plan et elle ouvre le champ de la production d’une pièce à sa perception, comme étant, si l’on peut dire, un processus secondaire de la production. Les questions sont celles posées par les modes d’échange avec un public, les types de perceptions et les conventions de la communication. Alors que se passe-t-il lorsque nous observons des gens qui jouent à des jeux dans le théâtre ? Ils jouent et ils jouent à jouer, ils interprètent et ils jouent à interpréter les règles du jeu ainsi que les conventions du théâtre. Ce qui a commencé, comme jouer un jeu, termine comme un jeu de théâtre. Maintenant la question est-elle de gagner? Dorothea von Hantelmann